PAGES DE L'HISTOIRE DE VIAS

texte de Richard MONEDERO et images de François BARNABOT

UNE EMEUTE A VIAS EN AVRIL 1301

Les occasions de prendre les armes furent nombreuses pour les Viassois tout au long du moyen age, qu’ils aient à attaquer les gens d’Agde qui empiètent sur leur droit de pâture où qu’ils aient à se soulever, comme en 1222 contre Amaury de Montfort. L’issue de ces soulèvements fut variable, sanglantes représailles dans le premier cas, excommunication des « hommes de Aviats » dans le second. Rarement cependant se posa le cas d’une révolte interne au village comme ce fut le cas en 1301. A la suite de la Croisade des Albigeois, la famille des Vias, déchue de son rôle seigneurial s’était attachée à accroître la masse de ses propriétés et à jouer un rôle important au sein des activités consulaires de Vias.

Il est permis de penser que cette emprise d’une famille sur le village ne reçut pas un écho favorable dans la population. Une Charte du 11 avril 1301 nous apprend qu’au soir de Pâques, les trois consuls roturiers, dont Etienne Perrin et Pierre Cenausson, à peine après avoir pris leurs fonctions se livrèrent à des déprédations, avec l’aide de la plupart des hommes de Vias, sur les biens de la famille de Vias.
Après en avoir délibéré en Conseil, les conjurés allèrent piétiner le champ semé de fèves* de Raymond de Vias. Ils étaient armés de casques, cotes de maille, arbalètes,... Ils se rendirent ensuite dans un champ semé de fourrage et appartenant au second Raymond de Vias, qu’ils saccagèrent, puis, se dirigèrent vers le jardin de Guilhem de Vias où ils abattirent tous les arbres fruitiers.
L’acharnement mis contre les biens des différents membres de la même famille pourrait laisser penser à un conflit plus social que personnel, mais rien cependant ne l’atteste.
Après s’en être pris aux biens, les révoltés voulurent s’en prendre aux personnes et après avoir détruits le plantier de Raymond, les cinq plantiers de Pierre de Vias, et la vigne de Rostaing de Vias, hommes, femmes et Consuls en tête allèrent assiéger ce dernier dans sa maison.
Le chevalier Rostaing s’étant barricadé chez lui avec sa famille et ses gens, divers projectiles furent lancés contre sa maison. Ils ne durent la vie qu’à l’intervention du Viguier, Raymond de Suze, et du juge, qui avec l’aide de leurs hommes permirent à Rostaing et aux siens de s’enfuir chez son frère.
Les Viassois le poursuivirent et l’assiégèrent à nouveau jusqu’à ce qu’il puisse trouver refuge dans le château.


Les causes de cette révolte restent obscures si ce n’est que l’on parle dans la charte d’excès de « mandato consulum », une sorte d’abus de pouvoir municipal, comme cela se produira quelques années plus tard lorsqu’un consul falsifiera la mesure à grain servant au paiement des taxes.
Cette émeute donnera suite à un conflit entre la justice seigneuriale et la justice royale. La cour de Béziers envoya un représentant qui convoqua toute la population mâle de Vias âgée de plus de quatorze ans pour qu’elle ait à répondre de ses actes. Aliénor de Montfort répliqua en faisant appel devant la cour du sénéchal de Carcassonne.
Mais, l’usage des armes et les troubles contre la paix relevaient de la justice du roi et c’est elle qui dut trancher. Par contre, la cour de Vias reçut le pouvoir de juger les coupables des déprédations contre les propriétés de la famille des Vias.
Les sanctions infligées aux viassois ne nous sont pas parvenues; en ce qui concerne la famille des Vias, nous savons que dans les décennies qui suivirent ils durent vendre leurs propriétés certainement en raison de difficultés financières que connurent d’autres familles nobles de Vias qui les imitèrent à la même période.

* Nous avons dans cette charte de 1301 la preuve de l’ancienneté de la culture de la fève à Vias dont la tradition en a fait l’emblème de notre village.

 

LA MESURE A GRAINS DU XIVe SIECLE

C'est en 1954, au cours de la démolition des remparts de la porte de Montmorency que cette magnifique mesure à grains fut découverte et sauvée de la destruction par Messieurs PIOCH et ESCAFIT. Elle fut ensuite remise à la commune de Vias en 1978. Les remparts de Vias ayant été détruits en partie au moment des guerres de religion (1590-1600), elle a dû servir à leur réparation car elle portait des traces d’incendie lors de sa récupération.
Taillée d'un seul bloc dans le basalte bulleux extrait des volcans viassois, de forme polygonale (10 côtés) celle-ci mesure 70 cm de diamètre et 44 cm de hauteur pour une capacité approximative de 20 litres (= 1/4 de sétier = une quarterée). Sur la face avant, à quelques centimètres du bord supérieur, on distingue une entaille horizontale, rectiligne et peu profonde de 28,5 cm de longueur. Il s'agit, certainement d'une mesure de longueur équivalant à un pied. On remarque aussi le scellement en plomb des charnières et de la serrure de la porte; celle-ci devait être en fer mais elle a disparu aujourd'hui. Les parois sont épaisses, mais les bordures supérieures et extérieures ont été fortement endommagées ainsi que la façade avant, affectée d'une fissure verticale.
Nous pouvons la dater du XIVe siècle, car une anecdote relatant les raisons de sa fabrication a été retrouvée par Jean Donnadieu dans le Chartrier d’Uzès.
On lit dans son Mémoire de Maîtrise " La Seigneurie de Vias d'après le chartrier d'Uzès (1270-1408)" Montpellier 1970, p.54:

"... c'est ce qui se passe autour des années 1340, au sujet de l'établissement des mesures de blés "Mensarurae bladorum".
Nous avons déjà parlé de l'intervention brutale du Viguier
(représentant du seigneur) Guilhem de Corneilhan arrachant des mains d'un consul la mesure de bois dont on se servait pour payer les redevances ou effectuer les ventes de grains. On décida de faire faire des mesures de pierre, qu'il était plus difficile de falsifier, par exemple, en agrandissant leur capacité, et de les placer au vu de tous, sur la place publique ou dans un lieu très fréquenté. Mais par mesure de précaution, on fit faire deux copies, l'une alla prendre place au château de Vias sous la garde seigneuriale et l'autre fut confiée aux Consuls. Ainsi, en cas de destruction de l'un des modèles, on pourrait avoir recours aux deux autres. L'exécution de ces mesures fut confiée à deux notables du "Castrum" qui apposèrent les sceaux respectifs des seigneurs et de l'Université sur les "ponhères"."

Le principe d'utilisation en était fort simple : il suffisait de fermer la porte, de remplir l'intérieur de la mesure, d'araser au niveau du rebord supérieur puis d'ouvrir la porte afin de recueillir le grain qui glissait sur le plan incliné jusque dans un autre récipient ou dans un sac. Généralement, les mesures de ce type étaient placées sur un étal pour présenter une hauteur assez grande correspondant à la grandeur du sac, fixé par des crochets situés de chaque côté de l'exutoire, et dans lequel était versé le grain après mesurage.
(voir les bancs de marchands de Campagnac (Aveyron), Etoile-sur-Rhône (Drôme), etc... Un banc de marchand à Gruyère (Suisse) offre une hauteur suffisante (environ deux mètres) pour que le grain puisse tomber directement sur des sacs posés sur des animaux de bât.
Certains marchés, Crémieux (Isère) XIIe siècle ou Mirepoix (Ariège) possédaient des estrades sur lesquelles étaient posées les mesures et dans ce cas, le marchand était obligé de s'accroupir pour remplir la mesure.
A cette époque, de telles mesures ont existé un peu partout dans notre région avec des capacités diférentes; telles celles qui étaient visibles autrefois sur le parvis de la cathédrale de Saint-Pons-de-Thomières ou celles que l'on peut admirer actuellement au Musée d'Archéologie Subaquatique du Cap-d'Agde. L'une d'entr'elles est circulaire et ressemble beaucoup à la nôtre mais elle est plus petite; les autres sont polygonales. Il serait intéressant de pouvoir comparer leurs capacités.
Cette mesure à grains est donc un magnifique témoin de la vie de notre village à l'époque médiévale qui mérite le respect et une place d'honneur dans notre "Maison du Patrimoine".