texte de Richard MONEDERO et images de François BARNABOT
VIAS PREHISTORIQUE
Peu d’études ont été faites sur la préhistoire de notre village et il n’a jamais été possible d’y réaliser une fouille complète. Pour la période qui s’étend des origines jusqu’à environ 7000 avant notre ère, quasiment aucun objet n’a été découvert à Vias mis à part une dent de mastodonte (mammifère voisin de l’éléphant) et un galet taillé dont il est toutefois impossible de préciser l’origine. Il nous est donc, permis de rester sur un doute quant à la présence d’habitations sur le territoire de notre commune à cette époque. Peut être, un jour certains éléments viendront à l’encontre de cette thèse. La période néolithique qui s’étend de 7000 à environ 2000 avant notre ère parait aussi pauvre que la précédente mais ici, quelques tessons de poteries trouvés çà et là, la présence de sites néolithiques dans toute notre région, nous permettent de penser à une occupation certainement fort réduite et saisonnière. Un travail de prospection serait à faire pour le confirmer.
La période où l’occupation humaine apparaît, vraiment
et pleinement, est le chalcolithique qui se situe environ entre 2000 et 1600
avant notre ère. Dans cette période marquée par une utilisation
intense du sol et de nouvelles techniques dans la fabrication de l’outillage
(apparition des métaux), le site de Roque-Haute semble avoir présenté
un intérêt pour les hommes préhistoriques. Nous pouvons
y voir plusieurs causes : la première serait la position élevée
de ce site, quant à la seconde, et certainement la plus importante, ce
serait la proximité de la mer, riche en poissons. Un poids, trouvé
par hasard, destiné à maintenir un filet de pêche en profondeur
vient étayer l’idée de la présence d’une tribu
de pêcheurs. Cette pêche se pratiquait d’ailleurs selon le
principe de la traîne. D’autre part des villages de pêcheurs
datant de cette époque se retrouvent tout au long de la côte Languedocienne.
Il a pu être décelé sur Roque-Haute cinq villages et quelques
cabanes isolées. L’un d’eux a pu être étudié
par Monsieur Gabriel Rodriguez. Il se présente sous la forme d’un
cercle de 60 mètres de diamètre composé d’une quinzaine
de cabanes. Les objets trouvés sur ce village sont essentiellement constitués
par la céramique typique de cette époque. Les objets en pierre
sont assez rares mis à part quelques hachettes polies. A proximité
de ce village se trouve une station de taille de silex sur laquelle il a été
trouvé quelques déchets, mais peu d’objets importants. Du
côté de la mer, complètement en contrebas de Roquehaute,
se trouve un village qui a fourni jusqu’à présent quelques
objets intéressants, comme par exemple une hachette polie, une lamelle
en silex blanc, un percuteur, un grattoir et de nombreux éclats de silex.
Malgré l’intérêt
que présentent ces objets, la découverte la plus importante qui
ait été faite sur le territoire de Vias reste celle de la
stèle anthropomorphe de Fontdebergue, dans la propriété
de Monsieur Jean-François Alia, et étudiée par Gabriel
Rodriguez. Il s’agit une stèle d’environ 1,60 m de hauteur,
taillée dans le basalte de Roque-Haute, ce qui permet de faire un rapprochement
avec les habitats énumérés précédemment.
Cette découverte présente plusieurs intérêts : tout
d’abord, c’est la première fois que l’on trouve une
stèle de ce genre près des rivages de la Méditerranée.
De plus ce type de stèle est courant en Corse et en Sardaigne et notre
stèle aurait-elle été la première implantation régionale
qui s’étendra ensuite dans tout le pays ?
Il reste difficile de dater ce monument, toutefois il est typique du chalcolithique
et surtout de l’époque du bronze moyen, soit environ 1800 ans avant
notre ère. Nous remarquerons donc qu’elle est contemporaine des
habitats de Roquehaute. La découverte d’une seconde stèle
à proximité de cette dernière pourrait permettre de penser
que Fontdebergue était un lieu de culte des habitants de Roque-Haute.
Une autre découverte importante fut faite il y a quelques années
: il s’agit d’une cachette de fondeur qui comprend de nombreux objets
en bronze et qui sont déposés au Musée des Antiquités
Nationales à Saint-Germain en Laye.
Nous retiendrons de cet article que les premiers habitants de notre village
s’y établirent vers le deuxième millénaire avant
notre ère. Cette occupation se manifesta surtout sur Roque-Haute par
des peuples à la fois cultivateurs et pêcheurs. Cette occupation,
durera jusqu’aux invasions romaines où les autochtones se fondront
avec les colons.
VIAS GALLO ROMAIN
Le territoire de notre commune a
été habité depuis les temps préhistoriques, mais
cette occupation n’est pas comparable à celle qui suivit l'invasion
romaine dans notre région.
Cette période de colonisation qui va s’échelonner du Ier
siècle avant notre ère au VIIème siècle après
notre ère avec l’invasion des Visigoths est essentiellement marqué
par la mise en valeur de notre terroir. Il est nécessaire tout d’abord
de préciser que la géographie de notre commune différait
de sa géographie actuelle. L’Hérault (Arauris) se divisait
alors à son embouchure en trois branches : la branche Ouest qui est aujourd’hui
l’Ardailhon, la branche actuelle et une branche Est qui a disparu au XIIIème
siècle. Les eaux du fleuve débouchaient dans une sorte de lagune
protégée par un lido ouvert de part en part par des graus.
Le cours du Libron (Liria) se dirigeait plus à l’ouest pour se
jeter dans son grau à la limite actuelle de la commune de Portiragnes.
L’arrière pays était une vaste zone de marécageuse
qui s’étendait environ jusqu’aux abords de notre village
mettant ainsi les habitants a l’abri de toute incursion venant de la mer.
La région était habitée par les tribus Volques qui avaient
tout de même subi des influences Celtes et Ligures.
Les colons romains, souvent d’anciens militaires, vont s’installer
dans toute la province de la Narbonnaise en construisant des « villae
» créant ainsi un cadastre (centurion) qui a pu être reconstitué
grâce à des photos anciennes. Nous n’avons pu hélas,
relever seulement douze de ces vastes domaines ruraux, mais la comparaison avec
les terroirs avoisinants nous laisse penser qu’il y en avait bien plus.
Nous allons tenter de les situer en précisant leur intérêt.
Les villae gallo-romaines
La Villa de Roque-Haute semble avoir joué un rôle économique important de par sa position à côté de la mer. La route mercadale la mettait en liaison directe avec l’intérieur et la voie Domitienne allant de l’Italie à l’Espagne à travers toute la Gaule Narbonnaise. Les débris d’amphores de Marseille nous indiquent également un commerce maritime avec cette ville.
Les autres Villae ont au contraire
une activité essentiellement agricole. Nous ouvrons ici une parenthèse
pour dire que la culture dominante était celle de céréales
ensuite venait celles la vigne et l’olivier.
Il est utile de savoir tout de même que la Villa Gallo Romaine se suffisait
à elle même en produisant tout ce qui lui était nécessaire
et en exportant son surplus.
La Villa du Pioch située au bord du chemin qui va du Jardin DAUREL au
Libron semble avoir appartenu à un riche propriétaire. La preuve
en est, un fût de colonne en porphyre de Karnak, qui fut trouvée
à proximité par Henri Escaffit, et les nombreux tessons de poteries
de la Graufesenque. (Cette poterie recouverte d’un vernis rouge très
brillant et décorée de dessins d’une finesse remarquable
était fabriquée à la Graufesenque à côté
de Millau).
La Villa de Preignes la seule à avoir été fouillée
vient prouver l’existence de cette culture céréalière
par la présence de nombreux silos permettant de conserver les grains.
Les deux Villae que nous connaissons dans les Combes ont, elles aussi, fourni
des poteries de la Graufesenque, mais en quantité moindre. La pièce
qui nous permet d’apporter une date approximative est un tesson de vase
caréné représentant un gladiateur ; ce type de poterie
est typique du début du II ème siècle de notre ère.
Signalons au passage la présence dans « les îles »
d’un four de potier qui a aujourd’hui pratiquement disparu.
Il ne nous a pas été permis de localiser la Villa autour de laquelle
ou à proximité de laquelle s’est bâti notre village.
Certains même ont douté de son existence. Pourtant certains éléments
nous permettent de penser qu’elle a existé, et tout d’abord
la présence de la nécropole que nous trouvons au Nord du village.
Nous remarquons en effet que du IIIème au Vème siècle les
nécropoles se trouvent à proximité des zones habitées.
Le second élément est le nombre de monnaies romaines trouvées
près du village ou dans le village comme par exemple un as d’Antonin
le Pieux de 140 après notre ère.
La nécropole romaine qui a pu être fouillée présente
un intérêt par ses tombes qui vont du IIIème au VIème
siècle. Les tombes n’ont malheureusement fourni aucun objet mais
leur diversité (tombes en tuiles et tombes à incinération
dans 1des amphores) nous a permis de déduire une longue occupation.
La Villa de Saint-Sernin semble, elle, plus tardive par ses poteries et par
le lieu de culte chrétien qui se trouve à proximité.
La Villa de la Combizarne daterait elle aussi environ du VIème siècle
mais elle est bien plus riche en poteries et en débris de verre.
Quand à la Villa de Sainte-Eulalie, près de la Jourdane, bien
que pauvre en poteries, présente un intérêt par sa nécropole.
Nous retiendrons qu’en général, toutes ces Villae se trouvent
à proximité de « campagnes » dont elles sont les ancêtres.
L’une d’elle s’est simplement développée plus
que les autres pour donner naissance à Vias, notre village.
La nécropole gallo-romaine
La première mention apparaît
dans "Les statistiques du Département de l'Hérault"
de Creuzé de Lessert rédigées
en 1824.
Il est signalé qu'en 1813,
à cent mètres du village, lors des travaux destinés à
ramener l'eau dans la fontaine publique, des tombes furent mises à jour.
Dans l'une d'elles furent trouvés des ossements calcinés attribués
à ceux d'une femme et d'un enfant. Furent également trouvés
des pièces en bronze illisibles, deux lampes à huile, une statuette
de femme détériorée et des cubes d'ivoire pris pour des
débris de dés.
C'est à Albert DALGUES que l'on doit la redécouverte de cette nécropole. Il signala à Gabriel Rodriguez la présence de tuiles et d'ossements dans une tranchée à quelques mètres de l'actuel Château d'eau. Un groupe de jeunes viassois, archéologues amateurs, découvrirent ainsi au moins onze sépultures dont trois à incinération.
L'ensemble des tombes se situait entre 80 cm et 1 m de profondeur, mise à part la tombe III qui était à 45 cm environ de la surface du sol. Elles étaient alignées de l'Ouest vers l'Est (pieds vers le Levant) sauf apparemment la tombe XI.
La tombe I de forme allongée était en tegulae (tuiles plates à rebord), mais très abîmée par la pelle mécanique. Elle correspondrait à un type de tombes classiques de l'an 250 à l'an 400 environ de notre ère.
La tombe II avait une forme trapézoïdale plus large à la tête qu'aux pieds. Il s'agissait certainement de la tombe d'un jeune enfant. Elle était bâtie sur une plaque de pierre verte qui a été débitée. Les côtés étaient composés par des imbrices (tuiles de forme semi-arrondie) posés verticalement.
La tombe III avait la forme d'un coffre en épaisses dalles de mollasse, fermé aux pieds par une tegulae. Le squelette en bon état, était posé directement sur la lauze et la couverture était faite de tegulae.
Les tombes IV, V et VII étaient des sépultures à incinération. C'étaient des amphores cylindriques dont le fond avait été sectionné pour permettre l’introduction du corps. Les couvercles étaient en place. Il n’y avait pas de mobiler mais on notait la présence de résidus charbonneux. Elles seraient contemporaines de la tombe I.
La tombe VIII ne laissait apparaître qu'un couvercle composé de fines briques plates sans fond ni côté, la présence d’une dizaine de gros clous laisse à penser que nous étions en présence d'un cercueil en bois couvert de tuiles. Elle correspondrait à un type de sépulture de la fin du IVème siècle ou du début du Vème.
La tombe VI était de type classique en bâtière avec imbrices, tegulae à tenons et mortaises, l'extrêmité au niveau des pieds étant constituée d'une tégula de forme triangulaire. En très bon état, elle aurait hébergé le squelette, en très mauvais état de conservation, d'un adolescent. Ce type de tombe serait caractéristique d'une période beaucoup plus tardive, vers les Vème - VIIème siècles.
Des tombes IX, X et XI seul l'emplacement a pu être repéré par la présence de fragments de tuiles et d'os.
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